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Le Convair XF-92 fut le premier avion aile delta américain. Initialement conçu comme un intercepteur de défense local, la conception a été plus tard classée purement expérimentale.
Toutefois, sa conception, convenablement remaniée, a conduit Convair à utiliser l'aile delta sur un certain nombre de modèles, y compris les F-102 Delta Dagger, F-106 Delta Dart, B-58 Hustler, F2Y Sea Dart de la Navy, ainsi que le VTOL FY Pogo.
Le XF-92-surnommé Dart- voit ses origines remonter à une demande d'août 1945 de l'USAAF pour un intercepteur supersonique capable de voler à 700 milles par heure (1.127 km/h) et pouvant atteindre 50.000 pieds (15.240 m) en quatre minutes.
Plusieurs entreprises ont répondu, et en mai 1946, Convair (alors encore Consolidated Vultee) remporte l'appel, avec sa proposition d'avion à statoréacteur et ailes en flèche à 45 degrés, sous le code Secret MX-813 de l'USAAF Air Materiel Command. Cependant, les essais en soufflerie vont vite démontrer bon nombre de problèmes de conception.
Cherchant des solutions, Convair tombe sur les travaux du Dr Alexander Lippisch, qui était venu aux États-Unis dans le cadre de l'opération Paperclip. Avant et pendant la guerre, Lippisch avait travaillé sur une variété d'aéronefs à voilure delta, d'abord des planeurs, et plus tard des intercepteurs à haute vitesse. Lippisch en avait conclu que l'aile delta était un élément naturel des vols supersoniques, car le bord d'attaque reste en dehors de l'onde de choc partant de l'avant de l'avion. Il avait en projet de développer le Lippisch P13a, mais n'avait pu réaliser qu'un planeur sans moteur, le Lippisch DM-1.
Le P.13 se caractérisait de par ses grandes surfaces triangulaires. L'une formait la structure principale et l'aile, l'autre la dérive, incluant l'habitacle. Les seules dérogations à la disposition triangulaire étaient une prise d'air ovale au niveau du nez, et une buse ronde à l'arrière. Le moteur était alimenté par de la poussière de charbon stockée dans un large disque tournant, cette étrange source d'énergie étant une solution au double problème du manque de pétrole et de la faible capacité de production en Allemagne au moment où la conception fut entreprise. Convair allait reprendre le travail Lippisch, l'adapter en l'équipant d'un réacteur Westinghouse J30 assisté d'une batterie de six fusées à carburant liquide. Le moteur étant trop volumineux pour rentrer dans la cellule originale du P.13, et une autre étude fut entreprise. La nouvelle présentation placait le moteur dans un fuselage cylindrique surdimensionné en apparence, déplacant le poste de pilotage hors du gouvernail triangulaire vers un cockpit isolé au centre du fuselage. La structure de base du fuselage était très semblable à celle du Miles M.52, bien que le M.52 n'utilisait pas une aile delta. La taille du gouvernail de direction, n'hébergeant plus le poste de pilotage, pouvait être réduite.
Le nouveau design fut présenté à l'U.S. Air Force en 1946, et accepté pour le développement sous le code XP-92.
Afin d'acquérir de l'expérience en vol avec l'aile delta, Convair proposa de construire un prototype plus petit, le modèle 7002, ce que l'USAAF accepta en novembre 1946. Sa conception était similaire dans la disposition générale, mais en plaçant le pilote dans un cockpit conventionnel à l'avant, au lieu de centré dans le fuselage.
Afin de gagner du temps et de l'argent, de nombreux composants furent empruntés à d'autres appareils, le train principal venant d'un North American FJ-1 Fury, le train avant d'un P-63 Kingcobra , le moteur et l'hydraulique d'un Lockheed P-80 Shooting Star. Le siège éjectable et la verrière du poste de pilotage venaient du Convair XP-81, abandonné, et les pédales de palonnier furent prises à un BT-13 d'entraînement.
La construction était déjà bien avancée au terrain Vultee à Downey, en Californie, lorsque North American Aviation reprit les usines Vultee été 1947. La cellule fut déplacée à l'usine Convair de San Diego, et elle était terminée à l'automne. En décembre, elle fut livrée sans moteur au laboratoire Ames Research Center de la NACA pour des essais en soufflerie. Après les tests, la cellule allait retourner à San Diego, où elle fut équipée d'un moteur Allison J33-A-21. Au moment où l'avion était prêt pour les essais, le concept d'intercepteur de défense local semblait dépassé et le projet (désormais rebaptisé) F-92 a été annulé. Il fut également décidé de renommer l'avion d'essai XF-92A.
En avril 1948, le XF-92A est livré à Muroc Dry Lake, qui deviendra plus tard la base d'Edwards. Les premiers essais vont se limiter au roulage, même si un saut de puce a été fait le 9 juin 1948. Le premier vol du XF-92A eut lieu le 18 septembre 1948 avec Ellis D. "Sam" Shannon, pilote d'essai de Convair, aux commandes. Après avoir été testé par la société, l'avion fut remis à l'USAAF, le 26 août 1949, les essais étant confiés à Frank Everest et Chuck Yeager.
Yeager fut le premier pilote de l'Air Force à voler sur le XF-92A. Lors de son deuxième vol, il allait lancer l'avion dans un retournement à 4 g, atteignant brièvement Mach 1,05. À l'approche pour l'atterrissage sur ce même vol, il continua à tenir le nez de plus en plus haut afin de ralentir la vitesse pour éviter les problèmes rencontrés lors de sa première tentative. Étonnamment, l'avion n'a tout simplement pas décroché, et il a pu continuer à relever le nez jusqu'à ce qu'il atteigne 45 degrés, contrôlant le vol dans cette position jusqu'à un atterrissage à 67 mi/h (108 km/h), 100 mi/h (161 km/h) de moins que Convair l'avait prévu.
En 1951, le XF-92A fut réaménagé avec un moteur Allison J33-A-29 avec système de postcombustion, offrant une poussée de 3.400 kg. Le XF-92A remotorisé a été piloté par Yeager pour la première fois le 20 juillet 1951. Il n'y avait cependant que très peu d'amélioration de performances. En outre, il y avait des problèmes d'entretien de ce moteur et seulement 21 vols ont été effectués au cours des 19 mois suivants.
Un changement de moteur final a été effectué avec le J33-A-16 délivrant 3.810 kg de poussée.
Le 9 avril 1953, Scott Crossfield commence une série de vols pour le compte de la NACA. Ces tests ont révélé une tendance violente au cabrage en virage à haute vitesse, souvent jusqu'à 6 g, et une fois à 8 g. L'ajout de cloisons de décrochage allait atténuer ce problème.
Aucun des pilotes n'a dit beaucoup de bien sur l'avion. Yeager a commenté "C'était un avion difficile à piloter, mais... je l'ai amené à 1,05 Mach." Crossfield a été plus direct, en disant : "Personne ne voulait voler sur le XF-92. Il n'avait aucun supporter chez les pilotes. C'était une misérable bestiole volante. Tout le monde s'est plaint qu'il manquait de puissance".
La faible traînée des ailes delta, le profil en croix, le faible poids et la résistance de la structure étaient une bonne combinaison pour un avion supersonique (bien que le fuselage était d'avant la loi des aires). La grande surface de 39 m², et la charge alaire faible, ont eu comme résultat des performances excellentes aussi à basse vitesse. De très lentes vitesses d'atterrissage pouvaient être atteintes, au prix d'un angle d'atterrissage très cabré et de la pauvre visibilité résultante. La combinaison de bonnes caractéristiques tant à haute qu'à basse vitesse était très difficile à réaliser sur d'autres formes de profils. Bien que le XF-92 en lui-même ne fut pas apprécié, le concept avait clairement promis à l'aile delta de devenir un "standard" de conception pour Convair dans les années 1950 et 1960.
Les concepteurs étaient particulièrement intéressés par le comportement étonnamment bon à basse vitesse que Yeager avait remarqué à son deuxième vol. L'avion avait continué à rester contrôlable à un angle d'attaque (alpha) très élevé, là où un avion de type conventionnel aurait décroché. La raison s'est avérée être la création inattendue d'un grand tourbillon au-dessus de l'aile, généré par l'air entre le fuselage et le bord d'attaque de l'aile à forte valeur de l'angle alpha. Le tourbillon reste "attaché" à la surface supérieure de l'aile, lui fournissant de l'air se déplaçant à des vitesses beaucoup plus grandes que la vitesse de l'avion. En contrôlant le flux dans ce domaine critique, l'enveloppe de rendement du delta pourrait être considérablement élargie, ce qui a conduit à l'introduction de plans canard sur la plupart des modèles à voilure delta dans les années 1960 et 1970. Plus récemment, les "mini-deltas", sous la forme d'extension d'arêtes, sont devenus monnaie courante sur la plupart des avions de chasse, en créant le tourbillon sur une aile de forme plus conventionnelle.
Après l'effondrement de son train avant en octobre 1953, le XF-92A a été retiré du pilotage actif. Il a passé la plupart de la décennie suivante à l'extérieur. En 1962, il fut donné au National Museum of the United States Air Force, de Wright-Patterson Air Force Base, près de Dayton, dans l'Ohio.
Une prestation inhabituelle du XF-92A fut comme un acteur de cinéma, dans le rôle du MiG-23 dans le film de Howard Hughes, "Les espions s'amusent", avec John Wayne et Janet Leigh. En raison de ce retard prolongé dans la sortie du film, au moment où il est sorti en 1957, le rôle du XF-92A avait été coupé au montage. Il est apparu dans le film "Je reviens de l'enfer" (1956) avec William Holden, encore une fois sous les traits d'un autre avion, cette fois, le F-102.
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