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Le Bristol Blenheim est un bombardier léger rapide triplace britannique de la Seconde Guerre mondiale. Issu d’un projet civil, ce bimoteur a été le premier monoplan métallique à aile cantilever à entrer en service dans la RAF. Plus rapide que la majorité des chasseurs en service en 1936, il se révéla décevant à l’épreuve des premiers combats en 1939, mais occupa une place importante dans le dispositif militaire britannique au début de la Seconde Guerre mondiale.
En 1934, Bristol Aeroplane Company présenta au Salon International de l’Aéronautique de Paris la maquette grandeur du fuselage d’un bimoteur de transport rapide sur lequel Frank Barnwell, responsable du bureau d’études Bristol, travaillait depuis juillet 1933. Monoplan à aile basse cantilever de construction entièrement métallique avec revêtement travaillant, cet appareil devait transporter 6 à 8 passagers en cabine fermée à 290 km/h. Comme il n’existait pas de moteurs compatibles avec cette cellule, Bristol annonçait également le développement d’un moteur 9 cylindres en étoile de 350 ch baptisé Aquila.
Les frères Harmsworth étaient propriétaires de grands titres de la presse anglaise, comme The Daily Mail, The Daily Mirror ou The Times. Le plus jeune, Lord Rothermere, avait toujours suivi de près les développements de l’aviation, allant jusqu’à occuper le poste de Secrétaire d’État à la Royal Air Force du gouvernement Lloyd George. Quand Lord Beaverbrook, autre magnat de la presse britannique, acheta le DC-1, Lord Rothermere se sentit piqué au vif et informa Bristol Aeroplane Company qu’il pourrait acheter un appareil du type Bristol 135 s’il pouvait relier sans escale les principales villes européennes. Or le Bristol 135 ne disposait pas d’une autonomie suffisante. Frank Barnwell modifia donc son projet initial.
Le nouveau projet, daté du 27 avril 1934, portait sur un monoplan équipé de moteurs Bristol Mercury VI de 640 ch et pouvant atteindre 400 km/h. La voilure du Bristol 135 était conservée, mais le fuselage était plus fin grâce à une structure monocoque permettant de loger six passagers derrière les deux pilotes, qui disposaient d’un excellent champ de vision en raison de la forme particulière du fuselage avant. Le train principal se relevait vers l’arrière dans les fuseaux-moteurs.
Le prototype Bristol 142 effectua son premier vol le 12 avril 1935 à Filton, piloté par le Captain Cyril Uwins, chef-pilote du constructeur, avec l’immatriculation d’essais [R-12] et des hélices quadripales en bois. Après avoir reçu des hélices tripales Hamilton Standard à pas variable, le prototype, baptisé Britain First par son propriétaire, effectua ses essais de certification à Martlesham Heath en juin 1935. il fut chronométré à 459 km/h à pleine charge, soit 48 km/h de mieux que le dernier chasseur commandé en série par la RAF, le Gloster Gladiator. Surpris par le résultat, l’Air Ministry demanda à Lord Rothermere de pouvoir étudier l’appareil. Celui-ci offrit son bimoteur à l’Air Council. L'unique Bristol 142 ne porta donc jamais l’immatriculation civile [G-ADCZ] qui lui avait été attribuée.
Officiellement pris en charge par la RAF en juillet 1935, le Bristol 142 reçut les cocardes anglaises et le sérial [K7557] et servit aux missions de transport du RAE de Farnborough jusqu’en 1942.
Parallèlement au Type 142, le bureau d’études Bristol développa une version plus sommaire et moins coûteuse destinée à remplacer le Type 135. Il s’agissait en fait d’un Bristol 142 avec les moteurs Bristol Aquila III développés pour le Type 135. L’unique prototype Bristol 143 effectua son premier vol le 20 janvier 1936 avec l’immatriculation temporaire [R-14] et, comme le Bristol 142, fut remis à la RAF sans avoir jamais porté l’immatriculation civile [G-ADEK] qui lui avait été réservée. Cet avion ne fut jamais utilisé par la RAF, mais employé comme banc d’essais par Bristol Aeroplane Company à Filton.
Le Bristol 143 fut le premier à faire l’objet de développements militaires. Dès décembre 1934 ce bimoteur fut proposé au Coastal Command comme appareil de reconnaissance et de surveillance côtière. En janvier 1935 fut proposé à la Finlande le Bristol 143F, un chasseur bombardier équipé de moteurs Mercury IX, d’un canon Madsen de 20 mm avant et d’une tourelle dorsale. Le gouvernement finlandais négociait l’achat de 9 appareils quand émergea le projet Bristol 142M.
Contrairement à ce qui a été souvent écrit, la transformation du Bristol 142, bimoteur de transport rapide, en bombardier moyen, fut un important travail d’ingénierie : Proposé le 9 juillet 1935 à l’Air Ministry, le projet portait sur un bombardier biplace équipé de moteurs Aquila ou Mercury, devant transporter 450 kg de bombes sur 1.600 km. Par rapport au Bristol 142 la voilure était relevée de 41 cm pour permettre d’installer sous les longerons une soute ventrale pouvant loger 4 bombes de 110 kg ou 2 bombes de 225 kg. Le stabilisateur étant agrandi et relevé, l’introduction de trim-tab sur chaque gouverne de profondeur remplaçant le dispositif d’ajustement de l’incidence, et la dérive allongée de 20 cm. La roulette arrière devenait escamotable, asservie par câble au train principal pour éviter tout équipement hydraulique à l’arrière du fuselage. Enfin le fuselage avant était modifié (mais pas allongé) pour y installer un poste de bombardier et une mitrailleuse Browning de 7,7 mm et une tourelle dorsale semi rétractable était envisagée. Renforts de structure et équipements militaires compris, la masse à vide était augmentée de 10 % et la masse totale en charge de 24 %.
Les essais effectués avec le Britain First ayant donné une idée précise de ce que serait le futur appareil, il ne parut pas nécessaire à l’Air Ministry de passer par une phase prototype et courant août fut établie la spécification B.28/35 pour couvrir la définition de l’appareil, une commande de 150 appareils notifiée sur plans et le nouveau bombardier baptisé Blenheim. La RAF, qui attendait beaucoup du bimoteur entendait aller très vite, et les deux premiers appareils de série devaient servir aux essais de mise au point.
Le premier appareil de série [K7033] effectua son premier vol le 25 juin 1936 et dès décembre une commande supplémentaire de 434 bimoteurs était notifiée à la Bristol Aeroplane Company avec instruction d’accélérer la production. Un an plus tard 25 Blenheim sortaient chaque jour de l’usine de Filton tandis que deux autres chaînes de montage étaient ouvertes, chez Rootes Securities Ltd à Speke (422 appareils commandés) et A.V.Roe & Co Ltd à Chadderton (250 appareils commandés). En 1937 une dernière commande pour 134 avions fut passée à Bristol.
Blenheim Mk I
Le premier appareil de série [K7033] débuta ses essais avec des moteurs Bristol Mercury VI-S.2 de 840 ch et atteignit durant ses essais à Martlesham Heath la vitesse de 452 km/h à 3.657 m bien que pesant en charge 900 kg de plus que le Bristol 142. Cet appareil subit rapidement quelques modifications qui furent immédiatement introduites sur les appareils de série: Remplacement des moteurs par des Mercury VIII de 840 ch, suppression du phare d’atterrissage à l’aile droite, modification du vitrage latéral du cockpit. Un peu plus tard on supprima les casseroles d’hélice et la roulette arrière devint fixe. Aménagé pour trois hommes (un pilote, un navigateur-bombardier et un radio-mitrailleur), le Blenheim I était armé d’une mitrailleuse Browning de 7,7 mm dans l’aile gauche et d’une Vickers K de même calibre dans une tourelle dorsale Bristol à commande hydraulique. Le premier appareil à entrer en service opérationnel [K7035] fut livré au No 114 Sqdn stationné à Wyton début 1937, qui fut déclaré opérationnel le 10 mars 1937, à peine 4 ans après que Barnwell ait tracé sur le papier les premiers dessins du Type 135. La participation du Blenheim au meeting annuel de Hendon, toujours en 1937, fit sensation, et la livraison d’appareils aux escadrilles basées en Irak ou aux Indes fit l’objet de quelques vols spectaculaires, comme un vol groupé entre Dhibban et Aboukir, soit 1.306 km couverts en 3,25 heures. Quand éclata la Crise de Munich on comptait 15 squadrons de la RAF opérationnels au Royaume-Uni sur Blenheim Mk I, appareils remplacés en première ligne par des Blenheim Mk IV en septembre 1939. Quelque 200 exemplaires furent convertis en chasseurs de nuit, les autres allant renforcer l’équipement de la RAF au Proche-Orient ou étant exportés.
Également, un Blenheim I [L1348] fut modifié en appareil de reconnaissance photographique sans recevoir de désignation particulière. La voilure était réduite de 91 cm, la tourelle supprimée, les panneaux vitrés à la base du fuselage avant occultés, et divers équipements photographiques installés dans le fuselage. Avec des moteurs ‘gonflés’, cet appareil atteignait 476 km/h à 2.440 m.
Blenheim IF
Quelque 200 bombardiers Blenheim Mk I furent modifiés en chasseur d’escorte bimoteur avec 4 mitrailleuses fixes Browning de 7,7 mm logées dans un carénage ventral (500 coups par arme), les premiers appareils étant mis en service par le No 25 Sqdn en décembre 1938. En septembre 1939 six squadrons de chasse étaient équipés ou en cours d’équipement. Cet appareil se révéla un piètre chasseur de jour, proie facile des monoplaces, mais un excellent chasseur de nuit, équipés successivement des radars d’interception AI Mk II, III et IV. Les premières sorties de nuit eurent lieu fin décembre 1939, et la première interception réussie fut réalisée dans la nuit du 22 au 23 juillet 1940 en utilisant un AI Mk IV.
Blenheim II
Un unique Blenheim I [L1222] fut équipé de réservoirs d’aile agrandis, la structure étant renforcée pour autoriser une masse en charge 6.340 kg et probablement la possibilité d’emporter des bombes sous voilure. Pas de numéro de Type connu.
Blenheim III
Il semble que cette désignation ait été attribuée à un projet de Blenheim IV qui aurait conservé la voilure du Mk I (donc similaire au Blenheim IVL). Comme le précédent, ce modèle n’a pas reçu de numéro de Type et certains auteurs continuent à prétendre que le prototype du Bristol 149 Bolingbroke [K7072] fut initialement baptisé Blenheim III, une erreur volontairement colportée durant la guerre aux fins de propagande.
Bristol 149 Bolingbroke
(Voir Bristol Bolingbroke).
Pour répondre à la spécification des bimoteurs polyvalents G.24/35 (Reconnaissance côtière et bombardement), le Type 149 était un Mk I légèrement modifié avec des moteurs Aquila AE-3M permettant une autonomie plus importante. Après un allongement de l’avant du fuselage de 91 cm pour installer le radionavigateur devant le pilote, cet appareil fut commandé à 150 exemplaires en novembre 1936 sous le nom de Bolingbroke. En 1937 un Blenheim I [K7072] fut donc prélevé sur chaine pour être converti en prototype du Bristol 149 Bolingbroke (et non Blenheim III).
On commença par avancer le pare-brise et le poste du bombardier de 90 cm sans modifier la position du pilote. Mais avant le début des essais en vol on réalisa que le pilote allait manquer sérieusement de visibilité. Le pare-brise fut donc ramené à sa position initiale et la toiture vitrée du poste avant abaissée sous la ligne de vision du pilote. Ainsi modifié, il prit l’air le 24 septembre 1937, mais la visibilité vers l’avant à l’atterrissage laissait encore à désirer. La partie supérieure gauche fut donc surbaissée, donnant une allure très caractéristique à l’avant de cet appareil.
La Royal Canadian Air Force souhaitant adopter cet appareil, des négociations s’engagèrent en vue d’une production outre-Atlantique, les plans de fabrication du Bolingbroke à Filton pour les besoins de la RAF étant abandonnés au profit d’une poursuite de la production du Mk I pour équiper les unités d’Outre-mer. Le prototype du Bolingbroke [K7072] fut donc expédié au Canada pour faciliter le lancement de la production chez Fairchild Aircraft Ltd à Longueuil.
Bristol 149 Blenheim IV
Dès 1935 Frank Barnwell travailla à diverses évolutions du Type 142M. Pour répondre à la spécification M.15/35 le Type 150 était un bombardier-torpilleur à moteurs Bristol Perseus VI emportant une torpille en soute ventrale. La spécification G.24/35 fut couverte, on l’a vu, par le Type 149 Bolingbroke, mais en avril 1935 commença le développement d’une nouvelle version du Blenheim destinée à satisfaire à la fois à la spécification G.24/35 (bimoteur polyvalent) et à la spécification M.15/35 (bombardier-torpilleur). Ce projet aboutira au Bristol 152 Beaufort, mais le Coastal Command ne pouvait attendre et le développement du Beaufort risquait d’être perturbé par la disparition accidentelle de Frank Barnwell, victime d’un accident à bord d’un avion léger qu’il avait construit lui-même et qui effectuait son second vol.
L’Air Ministry s’intéressa donc à nouveau au Bolingbroke et décida de relancer la production de l’appareil, qui conserva le Type 149 mais fut baptisé Blenheim IV. Le Blenheim IV est donc un Blenheim Mk I avec le fuselage avant du Bolingbroke et la voilure du Blenheim II, donc avec de nouveaux réservoirs d’aile pour accroitre l’autonomie. Il n’y eut pas de prototype et on passa fin 1938 du Mk I au Mk IV en modifiant simplement sur chaine 68 cellules de Blenheim I en cours de production.
Un projet quadrimoteur
Début 1935, tandis qu’on travaillait sur les liasses de détail du Type 142M, Frank Barnwell étudia plusieurs dérivés. Les Types 149 et 150 ont été évoqués plus haut mais un autre projet, qui ne semble pas avoir été numéroté, ne conservait que le fuselage avant du Blenheim, associé à un fuselage arrière affiné et une voilure de 29,26 m avec 4 moteurs Mercury IX. Cet appareil de 17.000 kg fut ressorti des cartons en 1938 pour le programme B.1/39 qui ne donna pas lieu à réalisation.
Bristol 160 Blenheim V
En janvier 1940 Bristol proposa à l’Air Ministry une version du Type 149 Blenheim IV spécialement adapté à l’appui tactique, la pointe avant étant modifiée pour y loger 4 mitrailleuses Browning de 7,7 mm (1.000 coups chacune). Ce projet prenait en compte l’expérience acquise durant les premiers mois de conflit en Europe, l’appareil pouvant également être utilisé comme chasseur ou comme avion d’entraînement. L’Air Staff envisageant déjà ce type d’appareil, la spécification B.6/40 fut rédigée autour de cette définition pour permettre la commande de deux prototypes Bristol 160 Bisley Mk I, dont la réalisation fut confiée à Rootes Securities, principal sous-traitant de Bristol sur le programme Blenheim.
Outre la partie avant du fuselage modifiée, le poste de pilotage était blindé, tout comme du pare-brise qui était redessiné, une tourelle dorsale Bristol B.X équipé de 2 mitrailleuses Browning était installée et les moteurs devenaient des Mercury XVI pour de meilleures performances à basse altitude. Alors que les prototypes étaient en chantier la fiche-programme fut modifiée pour permettre une utilisation alternative comme bombardier à très haute altitude. Il fut donc décidé de réaliser une pointe avant interchangeable: Pour les missions à haute altitude elle devenait vitrée dans sa partie gauche pour loger un bombardier-navigateur, et recevait un carénage inférieur lui permettant de s’asseoir, mais aussi de loger une barbette Frazer-Nash avec 2 mitrailleuses Browning tirant vers l’arrière. Les moteurs devenaient des Mercury XV ou XXV de 830 ch, insuffisants pour un appareil dont le poids total atteignait 7.700 kg.
La désignation Blenheim V remplaça celle de Bisley avant que le premier Bristol 160 [AD657] ne prenne l’air à Filton le 24 février 1941 avec la pointe avant de la version d’attaque au sol, le second prototype [AD661] étant équipé en bombardier d’altitude. La version basse-altitude fut rapidement abandonnée et 940 appareils de série à moteurs Mercury 25 ou 30 furent construits par Rootes Securities Ltd à Blythe Bridge jusqu’en juin 1943. Les premiers exemplaires furent livrés au No 18 Sqdn au cours de l’été 1942, l’appareil entrant en opérations courant novembre en Afrique du Nord. Le Blenheim V aura une carrière très courte, qui s’achèvera fin 1943 en Extrême-Orient. Un certain nombre modifiés en double commande sans tourelle dorsale pour les OTU du Fighter Command, quelques appareils en service en Méditerranée furent transférés en 1942 à la Turquie et d’autres cédés au Portugal, qui disposait déjà d’un certain nombre de Mk IV internés suite à des atterrissages forcés sur son territoire.
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